L’immense majorité des humains ne deviendront jamais rien de grandiose, de sorte que leur mort ressemble à leur vie, c’est à dire à rien. Ou pour mieux dire, leur seule réussite, pour autant qu’ils en aient une à faire valoir, c’est d’avoir fondé une famille, d’avoir eu des enfants, une descendance, mais c’est là tout ce qui subsistera d’eux en ce bas monde et, pour le reste, ils sont malheureusement voués à basculer dans le néant éternel.
Prenant conscience de cette réalité, comment apaiser ce présumé vide sidéral ?
La philosophie. Parvenu à un certain niveau de sagesse théorique l’homme comprend que la mort n’existe pas vraiment, qu’il s’agit d’un passage, d’un état à un autre sans anéantissement. En tant que membre d’un ordre cosmique, l’univers étant éternel, l’homme est appelé à en demeurer à jamais un fragment. Il eut un infini avant la naissance, il y aura un infini après la mort. Les épis de blé disparaissent, le monde reste.
« Les feuilles tombent, la figue sèche, remplace la figue fraîche, le raisin sec la grappe mûre, voilà selon toi des paroles de mauvaise augure ! Mais il n’y a là que la transformation d’états antérieurs en d’autres ; il n’y a pas de destruction, mais un aménagement et une disposition bien réglée. L’émigration n’est qu’un petit changement. La mort en est un plus grand, mais il ne va pas de l’être actuel au non-être, mais au non-être de l’être actuel. Alors ne serais-je plus ? Tu ne seras pas ce que tu es mais autre chose dont le monde aura alors besoin. » — Epictète
La religion. Il est plus facile encore et plus accessible de se rattacher à l’ensemble d’un monde religieux et démocratique qui prétend sauver sur le plan spirituel et la charité publique en créant des systèmes de protections sociales. Promesses faites aux sans-grades et aux plus démunis par la religion de la béatitude. Ces réalités imaginaires issues et animées par notre langage, qui, en opposition aux réalités objectives, permettent de combler les vides laissés par notre héritage biologique.
Le transhumanisme. La nouvelle alternative. La mort est inutile et indésirable. Pourquoi ne pas nous raccrocher à un « futur posthumain », finalité des évolutions techniques et progéniture du mouvement de libre-pensée. Changeons la nature même de l’homme par les avancées scientifiques fulgurantes, rendons-nous plus forts, plus intelligents et immortels. Ceux qui décideront de rester humains et refuseront de s’améliorer resteront soumis à la mort.
Coûte que coûte, sauvons-nous de l’éphémère. Si nous ne disparaissons jamais totalement, alors nous vivrons comme des Dieux.